Une caisse maladie publique est nécessaire

L’initiative pour une caisse-maladie publique soumise en votation le 28 septembre prochain demande que l’assurance-maladie soit à l’avenir gérée par un organisme de droit public. Celui-ci crée des agences cantonales chargées notamment de la fixation des primes, de leur encaissement et du paiement des prestations. Les primes sont fixées par canton et calculées sur la base des coûts de l’assurance-maladie.

Un changement de structure

Le but de l’initiative est donc de passer d’un système de concurrence au sein d’un cartel de caisses-maladie privées à un système d’organisme public comme l’AVS. Le texte de l’initiative laisse clairement entendre que le modèle est les caisses cantonales de compensation AVS chargées de prélever les cotisations et de payer les prestations. L’initiative ne vise pas à modifier le mode de calcul des primes, mais la gestion du système. Ainsi, les organes de la caisse publique doivent être composés de représentant·e·s de l’État, des assuré·e·s et des fournisseurs de prestations. Une gestion assurant une meilleure représentativité des actrices·eurs concernés par la santé et transparente ne sera pas le moindre des bénéfices attendus du système public, surtout lorsque l’on connait l’opacité du cartel qui gère aujourd’hui l’assurance-maladie.

Il s’agit avant toutes choses de mettre un terme à la sélection des risques à laquelle se livrent actuellement les caisses. Vu que le catalogue des prestations est fixé par l’État – et qu’il le sera d’ailleurs toujours à l’avenir – le seul levier sur lequel les caisses peuvent actuellement jouer est celui du profil des assuré·e·s, qui seront de préférence jeunes et en bonne santé (car très rentables). Il s’agit d’une dérive majeure du système de pseudo-concurrence, qui va à l’encontre du principe de solidarité et qu’une caisse publique ne connaîtra bien entendu pas.

Ensuite, l’initiative entend faire diminuer significativement les dépenses de marketing et de publicité qui contribuent aujourd’hui à la hausse des coûts de la santé, sans effet sur la qualité des soins. Au-delà de cela, l’un des objectifs de la caisse publique est d’améliorer la prise en charge des patient·e·s. Actuellement, avec la sélection des risques, les caisses privées n’ont en réalité aucun intérêt à proposer des solutions qui facilitent la vie aux patient·e·s atteint·e·s de maladies chroniques lourdes (il s’agit de «mauvais risques»), situation absurde à laquelle la caisse publique permettra de remédier.

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Quels effets pour quels coûts?

Les résultats d’une étude internationale menée en 2013 par le Commonwealth Fund livrent quelques renseignements significatifs sur l’efficacité du système de santé suisse en comparaison internationale et plaident pour un modèle d’assurance publique. Ainsi, on constate tout d’abord que la Suisse, qui consacre 11% de son PIB aux dépenses de santé en 2011, a des résultats très proches de la France (11,6%) ou de l’Allemagne (11,3%), ce qui démontre que le système suisse n’est pas plus économique que celui de nos voisins. La palme de l’inefficacité revient aux États-Unis, qui consacrent plus de 17% de leur PIB aux frais de santé.

Une étude de l’OMS datant de l’an 2000 tente de comparer les systèmes de santé. Il en ressortait que la France était le pays doté du meilleur système de santé au monde, selon un modèle tenant compte à la fois de l’efficacité en termes de coûts, des objectifs de santé publique (espérance de vie, mortalité infantile, etc.) et de l’équité de la contribution financière, alors que les États-Unis n’occupaient que le 37e rang. La Suisse était classée vingtième, avec des résultats assez mauvais en termes d’effets du système sur le niveau de santé (26e rang).

D’autres études, plus récentes, dont une étude de Bloomberg (qui ne pondère que l’espérance de vie et les dépenses en fonction du PIB) classent le système suisse au 9e rang mondial, devant le Royaume-Uni (14e) et la France (19e), mais derrière l’Espagne (5e) et l’Italie (6e).

Il est également intéressant de relever que la part des dépenses out-of-pocket (frais payés directement par les patient·e·s) sont particulièrement élevés en Suisse (24% des patient·e·s dépensent plus de 1’000 dollars par an (environ 895 frs.) en plus des primes d’assurance-maladie; il s’agit essentiellement des franchises et de la participation aux frais); là encore, la palme revient aux États-Unis, tandis que la France, par exemple, a des taux nettement plus bas (7%).

Ainsi, le modèle suisse est peu solidaire en faisant supporter aux patient·e·s directement une large part des dépenses de santé, contrairement à des modèles beaucoup plus publiques. Ses résultats en termes de santé publique ne se distinguent pas des autres pays européens, voire sont moins bons que ceux de nos voisins directs. Les États-Unis, champions du libéralisme dans les soins, se distinguent de leur côté par un système extrêmement cher pour des résultats médiocres, notamment une espérance de vie nettement inférieure aux pays d’Europe occidentale.

Si l’initiative pour une caisse publique ne vise pas directement à modifier le système de fixation des primes, le passage à une gestion publique, outre le fait qu’elle sera plus rationnelle et donc nécessairement moins onéreuse, sera une sortie utile d’un modèle basé sur la concurrence dont l’inefficacité est démontrée, année après année, par toutes les études internationales menées sur le sujet.

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