0

Maîtriser notre alimentation

Le maître mot des organisations luttant contre les inégalités dites «nord-sud» et pour l’abolition de la faim est celui de souveraineté alimentaire. Ce concept défend l’idée que chaque nation a le droit et le devoir d’assurer la sécurité alimentaire de sa population. Pour ce faire, l’intérêt public doit pouvoir si nécessaire primer sur les accords commerciaux. Et c’est bien au niveau de l’Organisation mondiale du commerce et du lobby industriel agroalimentaire que le bât blesse. Le libre-échange prime sur toutes les considérations destinées à assurer l’autosuffisance alimentaire.

Instaurer un droit à l’alimentation, c’est demander une intervention de l’Etat pour prévenir et au besoin réparer les dégâts de la marchandisation de la faim. Et contrairement à ce que nous avons tendance à penser, ce droit doit être défendu dans les pays occidentaux autant qu’ailleurs. En effet, nous n’avons pas plus la maîtrise de notre alimentation que les pays du sud.

Production locale

Pour commencer, la situation des agriculteurs et agricultrices suisses ne fait pas tellement rêver. Elles/ils bénéficient de subventions directes et indirectes, mais leurs revenus restent en grande partie indépendants des prix à la consommation. Alors que l’agriculture a satisfait ces dernières années dans une large mesure les attentes de la société en ce qui concerne la dimension écologique, la situation s’avère moins réjouissante en ce qui concerne la dimension économique et sociale. Depuis 1990, les agriculteurs ont vu le rendement de leurs produits baisser d’environ 25%, alors que les prix à la consommation des denrées alimentaires ont augmenté pendant la même période d’environ 15%. Depuis 1990, les moyens de production agricoles ont également renchéri de 7%. Les revenus de l’agriculture stagnent à un bas niveau, et l’écart s’est encore creusé par rapport aux revenus comparables dans les autres secteurs de l’économie. L’objectif prioritaire consiste donc à renforcer la situation économique du secteur agricole, car seul un bon équilibre entre les trois domaines économique, écologique et social permettra à l’agriculture suisse de garder à long terme son rôle dans la production alimentaire.

Breveter l’alimentation

Par ailleurs, notre petite victoire nationale sous la forme d’un moratoire sur les OGM ne doit pas nous leurrer sur les effets du brevetage des semences en ce qui concerne la production mondiale et ses conditions. Jour après jour, les paysans du monde entier s’appauvrissent à coup de procès des firmes industrielles cherchant à rentabiliser au maximum leurs brevets et par la diminution de la productivité des récoltes génétiquement modifiées. Et la dissémination contraint des pays qui avaient interdit les OGM à les légaliser. Bref, nous avons encore à faire pour ne pas se retrouver à payer son caddie de courses directement à Monsanto.

Pour lutter contre ce phénomène, il faut absolument que le droit à manger à sa faim soit reconnu et que les préoccupations pour la santé de la population mondiale prennent le dessus sur les intérêts économiques de quelques un-e-s. Les pouvoirs publics doivent reprendre à leur charge ces revendications et assumer de ne pas reconnaître les brevets liés à la production de nourriture s’ils mettent en péril la sécurité alimentaire, comme cela a été courageusement fait par certaines nations pour le traitement du VIH par les médicaments antiviraux. Pour que les semences ne deviennent pas inaccessibles par leur prix et que toute production alimentaire ne dépende pas des produits vendus par l’industrie agro-alimentaire, il faut dès maintenant que les pouvoirs politiques nationaux et mondiaux se réveillent et soient prêts à aller à l’encontre des dogmes économiques libéraux qui dominent les lois et accords internationaux actuels.

L’impact de notre consommation

Si nous voulons assurer une indépendance et une production écologique en matière d’alimentation, nous devons pouvoir évaluer les besoins de la population dans ce domaine. Le plus difficile se situe peut-être là. Car si nous calculons le besoin des habitant-e-s en Suisse en prenant le nombre de calories nécessaires à la survie par personne, nous nous rendons bien compte que la consommation actuelle est bien supérieure à ce compte. Cette surconsommation constitue une partie du problème de la faim dans le monde. En effet, la production alimentaire mondiale suffirait amplement à nourrir chaque habitant-e de la Terre, mais sa distribution est malheureusement concentrée au nord, où nous pouvons payer un prix plus élevé et donc plus intéressant et où notre comportement nous amène à manger plus que nécessaire et de façon incontrôlée.

Mais cette situation représente également un potentiel d’action. En rationnalisant notre consommation alimentaire, nous agissons à la fois sur des échanges commerciaux aberrants et sur notre santé. Et c’est bien ce dernier point qui devrait convaincre l’Etat de prendre des mesures plus importantes pour lutter contre la malbouffe et les troubles alimentaires qui mènent à l’obésité. Le coût engendré par les maladies cardiovasculaires, première cause de décès dans notre pays, pèse lourd dans le bilan général de la santé. Or l’obésité et une alimentation trop riche sont des facteurs de risque déterminants dans la survenue de ces pathologies. Aujourd’hui, l’Etat ne s’investit pas assez dans la lutte contre ces maladies alors qu’il y trouverait son compte au final.

En conclusion, s’il faut défendre un plan de lutte mondial géré par l’ONU pour contrer les accords de l’OMC ou du FMI, nous avons aussi des moyens et devoirs d’actions à mener chez nous et nous pouvons pour commencer réfléchir chacun et chacune à notre propre consommation en termes quantitatifs et qualitatifs.

webmaster@pagesdegauche.ch

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *