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Consommateurs contre Citoyens: l’argent prend le pouvoir

La montée en puissance fulgurante des entreprises multinationales leur donne de plus en plus d’impact par rapport aux gouvernements. Qu’est-ce qui guidera leurs décisions?

Imaginez un Etat «Société Anonyme». Chaque citoyen et chaque citoyenne pourrait acheter des actions de cet Etat. Lors des votations populaires, chacun disposerait d’un nombre de vote égal au nombre d’actions qu’il possède. Les pauvres ne voteraient donc pas, et les riches auraient des voix innombrables. Cette idée qui peut paraître aberrante à beaucoup de personnes représente pourtant la réalité qui se cache derrière la responsabilité sociale des entreprises.

La fortune est le pouvoir

Deux mécanismes sont en train de transformer la gouvernance mondiale vers une ploutocratie, c’est à dire une dictature des riches. Il s’agit des deux mécanismes de pression principaux qui existent sur les entreprises aujourd’hui. Le premier, qui est aussi le plus évident, est le système de l’actionnariat. Les grandes entreprises sont détenues par des actionnaires, et ceux-ci détiennent un certain pouvoir sur l’organisation qui dépend du nombre d’actions possédées.

La consommation comme bulletin de vote

Le second mécanisme est la pression du consommateur/trice. Pour faire des profits, l’entreprise doit vendre ses biens et services, et elle est donc à la merci de ses client-e-s, qui sont toutefois rarement organisés. C’est cette pression des clients, souvent grâce à un travail acharné de sensibilisation par les ONG, qui a été le principal moteur de la politique de responsabilité sociale des entreprises. Mais cette pression reste loin d’être démocratique: les client-e-s à même de faire pression sont ceux qui ont un pouvoir d’achat suffisant. En d’autres termes, pour une entreprise dont les agissements sont mondialisés, les client-e-s qui seront véritablement capables de faire pression sont minoritaires, et souvent concentrés dans les pays riches. Alors que les inégalités sont croissantes dans le monde entier, le pouvoir sur la destinée de notre planète devient d’autant plus mal réparti.

Le chantage des multinationales

Le fait que les citoyens commencent à développer une confiance envers les entreprises grâce au développement par ces dernières de politiques de communication et marketing «éthiques» ou socialement responsables représente un danger majeur pour la société. Nous acceptons de fait le glissement du pouvoir depuis les instances démocratiques vers les entreprises privées. Les Etats ont une peine folle à se mettre d’accord autour de normes contraignantes au niveau international. Les entreprises, non démocratiques et multinationales, parviennent à imposer leurs décisions rapidement dans tous les pays. De plus, elles peuvent exercer des pressions considérables sur les gouvernements nationaux, par exemple en menaçant de déplacer leurs filiales dans un pays plus complaisant.

C’est donc là que réside l’un des plus grands dangers dissimulé par la promulgation de la «responsabilité sociale» des entreprises, une érosion progressive mais létale de la démocratie.

 

 

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