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RSE: obstacle au progrès social?

Des alternatives à la notion de RSE existent; elles se basent toutes sur la nécessité de démocratiser «l’économie».

L’institutionnalisation de la RSE nous renseigne sur la capacité du système capitaliste à intégrer la contestation pour mieux la rendre inopérante. Dans ce sens, il y aurait passablement d’analogies à faire avec le développement durable. Comme sa notion cousine, la RSE n’est qu’un instrument de plus pour s’assurer de la "durabilité" de la croissance économique.

La RSE renforce le statu quo

Si pour certains, la RSE a permis la reconnaissance d’un droit de regard élargi sur la gestion des entreprises et par-là même d’offrir l’opportunité de discuter du caractère privé de la propriété des moyens de production, force est de constater que les forces en présence sont clairement en faveur du statu quo. Cette récupération d’un discours critique contre les multinationales a contribué à désactiver toute charge contre leurs actions et à masquer les contradictions entre progrès social, écologie et poursuite du profit. L’enjeu de cette récupération est que la logique de maximisation du profit n’est pas remise en cause. Cette logique serait tout au plus modérée au niveau de chaque entreprise par la prise en compte de contraintes écologiques et sociales. Cela accréditerait l’idée qu’il pourrait exister une production capitaliste «propre», c’est-à-dire dénuée de toute exploitation. De même, les grandes orientations néolibérales, que sont la mise en concurrence généralisée, la financiarisation et la libéralisation des services passeraient inaperçues.

Cette récupération est attestée par le développement de normes et standards internationaux. Mais plus encore, il existe de nombreux indices boursiers se référant à la RSE pour évaluer les performances des entreprises (notamment le «FTSE4Good» et le «Dow Jones Sustainibility Group Index»). Ces outils de cotation, dont la méthodologie est questionnable, participent au désamorçage de toute critique. Ainsi, il apparaît que la RSE a permis aux entreprises de légitimer leur position d’acteur incontournable et de circonscrire le débat au niveau des seules «bonnes pratiques». Cela a pour effet immédiat d’empêcher toute remise en cause plus radicale du système capitaliste et de restreindre les alternatives.

Quelles alternatives?

Il s’agit donc d’éviter de s’enfermer dans une logique du «tout RSE ou rien». En effet, s’il est admis que dans certains cas des travailleurs/euses, des collectifs de citoyens-ennes ou des ONG ont pu utiliser la RSE afin d’obtenir des améliorations dans certains domaines, cela ne doit pas conduire à surestimer la RSE. Comme nous avons essayé de le démontrer, la RSE ne peut pas réduire les inégalités ou diminuer la pauvreté à elle seule et n’est pas substituable à l’action publique. D’autre part, les alternatives à la RSE existe déjà, autrement dit la RSE était dès le départ un concept dépassé: la voie coopérative, les Trueque argentins («cercles d’échanges») s’en sont chargés de le rappeler. D’autres systèmes de gestion paritaire ou en commun de la production existent: la créativité en ce domaine est la règle.

Toutefois, l’extension du capitalisme et en corollaire de la propriété privée, réduit cette diversité. Un des dangers de la réification de la RSE serait ainsi de faire comme si le seul mode d’organisation de la production possible serait sur une base capitaliste. Ainsi contrairement à la RSE, ces alternatives prennent en compte la nécessité de démocratiser « l’économie » et de se rapproprier collectivement le progrès social.

 

 

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