Han Dongfang est le rédacteur du China Labour Bulletin (www.china-labour.org.hk) la principale source d’information indépendante sur les luttes ouvrières en Chine (voir encadré). Il fait le point, avec nous, sur l’actualité syndicale en Chine.
Quelles ont été les activités récentes du China Labour Bulletin (CLB) et quelles sont vos priorités pour les mois qui viennent?
Le CLB a commencé un programme d’aide juridique pour soutenir les travailleurs chinois en 2002. Nous l’appelons le «programme d’intervention cas par cas». Notre objectif est d’utiliser la législation chinoise existante pour défendre les droits des travailleurs. C’est très clair: nous avons de très bonnes lois en Chine sur le papier, mais elles ne sont pas appliquées en pratique. Nous pensons que plus nous utiliserons le système légal et les lois pour protéger les droits des travailleurs, plus ceux-ci deviendront confiants dans leur propre force. Nous pensons aussi que si les travailleurs ne prennent pas confiance en eux-mêmes, un mouvement syndical puissant ne peut émerger. Dans les quatre premières années où nous avons tenté cette approche, nous avons pris en charge plus de cinquante cas et nous n’avons pas été surpris de gagner la plupart des causes que nous avons portées devant les tribunaux. Nos cas concernent des maladies professionnelles, la compensation pour accidents au travail, des arriérés de salaire, des indemnités de licenciement. Nous avons mis sur pied un réseau de plus de trente avocats dans onze provinces. Depuis l’été 2006, nous avons commencé à travailler directement avec des études d’avocats.
Sur la base de nos cas d’intervention, le CLB a aussi recherché et publié des rapports sur la politique en matière de relations de travail. A l’aide de ces rapports, nous essayons d’influencer les orientations de la politique et du travail législatif en Chine. Nous cherchons à transmettre aux travailleurs une vision plus positive des possibilités d’utiliser le système légal existant pour défendre leurs droits.
Comment évaluez-vous l’évolution récente de la FSC et quel sens faut-il attribuer à ses campagnes chez Wal-Mart et dans d’autres sociétés étrangères?
La majorité des travailleurs en Chine travaillent dans les usines, autant celles qui appartiennent à des investisseurs étrangers que les anciennes entreprises publiques qui ont été privatisées. Du point de vue d’une stratégie d’organisation syndicale réaliste, le mouvement syndical chinois devrait se concentrer plus sur ces travailleurs des usines pour créer un fondement solide du syndicat. Même dans son propre intérêt, la FSC devrait se tourner vers ces travailleurs des usines plutôt que vers ceux du commerce pour compenser la perte de ses membres – à la suite de la privatisation des entreprises publiques, les syndicats de branche de la FSC ont quasiment disparu. Mais, au lieu de répondre à son propre besoin de renforcer le pouvoir que ses membres lui donnent, la FSC est allée chez Wal-Mart. Certes, ce grand show lui a apporté une attention internationale, mais pas de membres ni de pouvoir réel.
Soixante-deux «syndicats» ont été créés chez Wal-Mart il y a à peu près une année, mais aucun de ces «syndicats» n’a commencé à négocier avec la direction dans l’intérêt des travailleurs qu’ils sont censés représenter. Il est très clair que la FSC a approché Wal-Mart dans un but de publicité internationale plutôt que dans celui de construire le mouvement syndical chinois. Evidemment, les travailleurs chinois ont besoin d’un syndicat capable de négocier de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail.
Que peuvent faire les syndicalistes en Suisse de plus utile pour aider les travailleurs chinois?
Il existe une loi en Chine qui permet aux travailleurs chinois de négocier des conventions collectives de travail avec un employeur, mais la FSC n’a jamais cherché à s’en servir. Le CLB essaye de trouver quelques sociétés étrangères de bonne réputation avec lesquelles il serait possible de travailler en utilisant cette loi pour conclure une CCT entre les travailleurs et la direction. Si un syndicat suisse pouvait s’entendre dans ce sens avec des sociétés suisses qui ont des relations commerciales avec la Chine ou qui produisent en Chine, il serait possible pour le CLB de mettre sur pied des projets-pilotes pour utiliser cette loi directement au bénéfice des travailleurs.